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Primeurs? Vous avez dit primeurs?
Dernièrement on me demandait : « mais pourquoi donc ne vendez vous pas vos vins en primeurs ? Cela se fait beaucoup dans d’autres nobles régions de France ! ». Cette question m’a fait sourire… Vendre en primeur un authentique pinot noir, Bourguignon de surcroit, me parait une idée bien saugrenue : je m’explique…
Dans nos contrées, il est des bien des facteurs qui font l’identité d’un vin : le principal est celui qu’on appelle « le terroir ». Le terroir, c’est bien-sûr le sol tout d’abord, mais également l’altitude, l’orientation par rapport au soleil, et aussi des facteurs humains… Ce que les décrets fondateurs des A.O.C. appellent les usages « locaux, loyaux et constants ».
Ces aspects fondamentaux et constants sont croisés avec un facteur beaucoup plus variable, celui de la météorologie. En effet, chaque millésime imprime son empreinte, et c’est là ce qui fait le charme des Bourgogne, vivants, vibrants, toujours riches en surprise : en Bourgogne, il est rare que, sur une série de 3 millésimes, on n’en trouve pas un à son goût !
Enfin, chaque vinificateur, va, selon sa personnalité et son état d’esprit, orienter la vinification : vins plus légers ou vins très extraits, vins exacerbant le potentiel du raisin ou gommant ses déficiences… En matière de vinification, les règles sont simples, mais une chose est sûre, il n’y a pas qu’une vérité !...
A chaque amateur donc de partir à la recherche des vinificateurs et des vins qui le feront vibrer, lui parleront et l’emmèneront plus loin dans le parcours infini de l’éveil sensoriel…
S’il était un mot pour résumer la Bourgogne, je retiendrais celui de « kaléidoscope » ; paysage aux teneurs constantes et pourtant jamais figé, toujours renouvelé par la recherche des artisans au service de leur terroir et respectueux des particularités conférées par chaque année…
Ainsi, demander à un vigneron de citer ses bons millésimes (ou au contraire ses mauvais), c’est comme demander à un père de classer ses enfants… un non-sens. La certitude, c’est qu’ils sont tous différents, riches de leurs particularités ; certains plus affables, d’autres plus réservés ; certains robustes, d’autres plus fragiles ; certains plus brillants, d’autres plus sombres, etc. … Comme pour les enfants, les millésimes ont les qualités de leurs défauts, comme chaque médaille a son revers… Aussi, plutôt que d’aduler certains, au risque de tuer d’autres dans l’œuf, pourquoi ne pas essayer de laisser sa chance à chacun…
Illustrons notre propos par l’observation des derniers millésimes… Par chance, la nature nous a comblés en contrastes…
- Dernier en date, 2006 semblait quelque peu faiblard à la naissance… Ses premiers mois d’élevage l’ont ragaillardi, et c’est plein d’entrain que les 2006 blancs comme rouges s’ouvrent au printemps !... ne rougissant même plus de la supériorité manifeste de leur ainé…
- 2005 : millésime de tous les éloges… Adulé depuis sa genèse : certes un bel exemple d’équilibre ! Pourtant il va falloir quelque patience pour laisser s’épanouir ces vins somptueux, sous peine d’être un peu déconcerté. Qu’ils soient déjà en bouteille ou en préparation pour la mise, la note commune à ces vins est l’énergie ! Vins de caractère, ils ont besoin de s’assagir un peu, pour révéler tout leur potentiel ! Les patients seront récompensés ! A bon entendeur…
- 2004 : l’objet de toutes les suspicions… Que n’a t’il été dénigré dès sa naissance, ce millésime discret arrivé juste après l’arrogant 2003 ! D’aucun l’ont même condamné avant même la fin de son élevage, le taxant de toutes les tares… Certes, 2004 ne restera pas dans les annales comme le millésime du siècle, cependant, les cuvées qui ont été élaborées à partir de raisins sains et mûrs, révèlent bien des charmes du Pinot Noir … Tout en nuances, ce sont des vins qui dansent et vibrent !... Affables, ils savent déjà se tenir à table, accompagnant avec authenticité et bonheur toute étape gastronomique : généreux sur le plan aromatique, bien équilibrés quant à leur structure tannique et à leur acidité, ils répondent aux plats, qui répondent au vin… Un vrai voyage, tel qu’on aime à l’envisager quand on ouvre une bouteille de Bourgogne pour la servir à table…
- 2003 : Extra-ordinaire. L’année de la canicule restera dans toutes les mémoires… Les vins aussi témoignent de l’arrogance du soleil cet été là… Ils sont riches, suaves… Etonnamment, les 2003 Naudin-Ferrand gardent une certaine fraîcheur, un fruité franc et pur, non confituré… Peut-être précurseur de ce que seront les Bourgogne d’ici quelques décennies, si le réchauffement climatique se confirme, 2003 n’en est pas moins, pour l’instant, le millésime le plus méridional que la Côte ait jamais connu… A savourer, dès maintenant et sans complexe…
- 2002 : pure expression du Pinot en Bourgogne. S’il est une année dont l’équilibre frise la perfection, c’est bien 2002 ! Ce millésime élaboré à partir de raisins murs, ayant gardé un bon niveau d’acidité, est assurément celui de la décennie qui montrera le meilleur potentiel pour la garde ! Sur les appellations les plus simples, on commence à rencontrer les 2002 avec plaisir (ex : Bourgogne Hautes-Côtes de Beaune). Sur les plus nobles, on est encore loin de l’apogée : les Echézeaux, par exemple, commencent tout juste à sortir de leur période d’austérité, et se réchauffent timidement aux premiers rayons de soleil printanier…
Claire Naudin
Juin 2007
Retrouvez toutes mes confidences
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- Août 2010: Les Etiquettes du Domaine Naudin Ferrand
- Avril 2009: Un Grand Bourgogne doit-il faire 14°?
- Novembre 2008: Réforme des AOC
- Septembre 2008: Un Vin de Table de Prestige?
- Août 2008: Comment! De l'herbe dans les vignes ?
- Février 2008: Les Sulfites, en faut-il ou pas?
- Octobre 2007: AOC : qu’avons-nous fait de toi…
- Juin 2007: Primeurs? Vous avez dit primeurs?
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